Machiko Ogawa : APOPHYLLÍZO, le bleu de la mer, le bleu du ciel
Forthcoming exhibition
Overview
Comme si quelque chose pouvait encore advenir. Comme si la forme donnée à voir pouvait encore évoluer : les contours d’un volume anguleux s’effriter, les arrêtes de ce qui paraîtrait un fragment de roche s’éroder, une flaque d’eau frétiller, un morceau de glacier entamer sa fonte… À ceci près que, avec une temporalité qui semble en suspens, la matière géologique que l’œil croirait à première vue percevoir n’en est pas.
L’art de Machiko Ogawa est ainsi fait d’illusions. Non parce que sa pratique de la céramique jouerait avec l’idée du mimétisme – ce qui hormis la démonstration d’un brio technique et formel, certes non négligeable, n’aurait en soi que peu d’intérêt –, mais plutôt dans le sens où c’est une incertitude du regard qui préside à la découverte des œuvres. Car si l’artiste y convoque la géologie et autres éléments naturels – cristaux et minéraux notamment, de tout temps pour elle objets de fascination – elle le fait non à des fins de représentation ou de documentation mais avec l’ambition de subtilement révéler un intérieur des choses, un empilement de strates et d’énergies qui in fine délivrent des formes.
Machiko Ogawa nous entraine dans des méandres interprétatifs lorsque dans chaque œuvre se fait jour quelque chose tenant de la révélation, dans le sens d’un dévoilement ou d’un éclaircissement soudain. Avec, néanmoins, toujours la sensation diffuse de faire face à un fragment d’inconnu plutôt qu’à l’éclosion du réel.
Fissures, découpes acérées, déformations, brisures… : le langage est brut, accentué par une science consommée de la rencontre et des associations. La quiétude apparente est en effet le fruit d’une confrontation des matériaux (porcelaine, verre, graphite…) et d’une habile gestion des tensions chromatiques (bleu glacier profond, noir intense, beige crayeux…) et formelles (entre rugueux et lisse, opaque et transparent, sombre et lumineux…). Se construit là une harmonie sur une terre de contrastes, où l’ingrédient central pourrait bien être la lumière.
Qu’elles évoquent des fragments d’une nature insondable ou des contenants brisés ayant recueillis des éléments que l’on dirait aqueux, les sculptures de Machiko Ogawa semblent effectivement prendre corps grâce à la lumière. Si tel volume ressemblant à une excavation révèle quelque chose de l’intérieur, d’une nature jusque-là enfouie, c’est à travers la lumière qu’il émerge et gagne une unité, dévoile ses subtilités et ses contrastes.
Or faire de la lumière un ingrédient constitutif et fondamental de la sculpture revient également à tenter d’appréhender l’espace qui l’environne dans un tout, à considérer non pas seulement le volume révélé mais aussi le vide qui l’entoure, manifestant ainsi la présence de forces et de vibrations qui empêchent de figer l’œuvre… comme si quelque chose pouvait encore advenir.…
Avec au final une question en suspens mais néanmoins persistante : et si l’œuvre de Machiko Ogawa était un art de la lumière et pas seulement de la matière ?
Frédéric Bonnet
Video
Courtesy : Asian Art Museum of San Francisco
Works